sexualité après un cancer

Renouer avec sa sexualité après un cancer

Le cancer et ses traitements modifient plus ou moins durablement l’organisme. Parmi les effets secondaires connus, les troubles de la sexualité(1), pour les hommes comme pour les femmes, méritent d’être pris au sérieux. Des solutions existent pour les soulager.

Décembre 2025 (n° 408) – Texte : Chloé Dussère
Temps de lecture : 25 minutes

 

Chirurgie, chimiothérapie, hormonothérapie, radiothérapie… ces traitements indispensables pour lutter contre le cancer mettent le corps à rude épreuve. Certaines personnes malades parlent de « déformation », voire de « mutilation » pour désigner les effets des traitements sur leur corps. « Le corps est atteint dans toutes ses dimensions, confirme Claire Versini, psychomotricienne et sexologue. De nombreux paramètres physiques – sécheresse vaginale et/ou vulvaire, troubles de l’érection, douleurs, prise ou perte de poids… – mais aussi psychologiques – anxiété, perte de confiance en soi… – peuvent altérer l’image de soi et du corps, donc le désir. »

Des solutions médicales

Si l’altération de la sexualité est courante, il peut arriver que certains médecins ne l’abordent pas « par manque de formation ou parce qu’on estime que d’autres questions sont prioritaires », analyse Claire Versini. Or, même s’il n’est pas toujours facile de se lancer, par peur ou par pudeur, il est important d’en parler à son médecin, son oncologue ou son chirurgien qui peuvent orienter et prescrire. En effet, pour atténuer les troubles fonctionnels de la sexualité, il existe des traitements : les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 contre les troubles érectiles, les ovules et gels lubrifiants contre les sécheresses, la rééducation périnéale à réaliser avec un kinésithérapeute ou une sage-femme… Mais un médicament suffit rarement à renouer durablement avec son corps et son désir.

Pour retrouver une sexualité épanouie après un cancer, le dialogue avec son partenaire, si l’on est en couple, et l’accompagnement d’un sexologue, de préférence titulaire d’un diplôme inter-universitaire (DIU), peuvent faire la différence.

Interview de Claire Versini pour le dossier sexualité du Vivre 408

Avoir une image valorisée et sécurisée de son corps aide à éprouver du désir. »

Claire Versini,
psychomotricienne et sexologue

Repenser sa sexualité

« Au même titre que la ménopause ou l’andropause, le cancer met à mal la sexualité et on est souvent peu ou pas préparé à ces changements, précise Claire Versini. Quand on a construit sa sexualité autour de la pénétration et de l’érection, il est d’autant plus difficile de supporter d’être privé de ces possibilités. En consultation, j’invite donc les personnes à envisager tout le spectre de la sexualité : les caresses, les baisers, les câlins, les pratiques sexuelles non pénétratives… Il me semble important de sortir de la sexualité performative car, contrairement aux idées reçues, la sexualité n’est pas le ciment du couple. L’intimité, en revanche, l’est. » D’ailleurs, en tant qu’intervenante à l’Établissement Rennais du Sein, Claire Versini préfère retirer le mot « sexualité » de son vocabulaire quand elle s’adresse aux femmes traitées pour un cancer. « Ce terme implique les notions d’orgasme et de rapports sexuels, qui peuvent être ressenties comme des injonctions, précise-t-elle. J’insiste sur le fait que l’on a le droit d’avoir des pauses sexuelles dans sa vie. »
La sexologue parle plus volontiers de l’importance de la sensualité et de retrouver le plaisir par les sens. Et cela peut s’exprimer au travers de choses simples comme déguster un carré de chocolat, prendre un bain, changer de parfum, se faire les ongles… D’où l’importance des soins de support : activité physique adaptée, conseils diététiques, patiente partenaire…

La réappropriation de sa sexualité passe par une exploration globale de soi et de son corps. « Quand la personne se sent prête, elle peut également redécouvrir son partenaire petit à petit, par le toucher, avant d’envisager un dialogue de corps à corps, explique la sexologue. Avec de la communication et du temps, certaines personnes retrouvent une sexualité, parfois même plus épanouie et libérée qu’avant la maladie. »

(1) La gestion des troubles de la sexualité est l’un des neuf soins de support reconnus par l’Institut national du cancer et considérés comme indispensables – ni secondaires, ni optionnels.

Quand la douleur détériore la santé sexuelle

Réalisée par le CHU de Clermont-Ferrand (63) et l’unité de recherche Neuro-Dol, avec le soutien financier du comité du Puy-de-Dôme de la Ligue contre le cancer, et diffusée auprès d’associations de patients(1), l’étude CASEXPA vise à mieux comprendre la relation entre la santé sexuelle et la douleur dans le contexte du cancer. « Nous émettons l’hypothèse que, pendant ou après le cancer, la qualité de la santé sexuelle serait détériorée en présence de la douleur et corrélée à la sévérité de cette dernière, avec un retentissement négatif sur la qualité de vie et la détresse psychologique (anxiété et dépression) », explique le professeur David Balayssac de l’Université Clermont Auvergne. Présente chez 54 % des 1 133 personnes interrogées entre septembre 2024 et août 2025, la douleur serait associée à une diminution très significative de la satisfaction sexuelle. En effet, 53 % des individus douloureux disent ne pas être du tout satisfaits de leur vie sexuelle, contre 43 % chez les personnes non douloureuses. « Ces résultats préliminaires illustrent l’impact du cancer et de la douleur sur la santé sexuelle, analyse le professeur Balayssac. L’analyse globale des résultats est en cours et devrait, en 2026, révéler des conclusions précises sur un sujet encore trop tabou pour les patients et les soignants. »

(1) ANAMACaP, Vivre comme avant, ARTuR, de l’Air !, Patients en réseau, Laurette Fugain, Corasso, IMAGYN, Jeune & Rose, RoseUp, Toujours FEMME, France Asso Cancer et Peau, et CerHom.

Illustration_chiffres_dossier_sexualité_Vivre 408

S’il n’est pas simple de parler de sexualité devant un soignant, les personnes se livrent plus facilement dans le cadre anonyme des études réalisées sur le sujet. Celles-ci révèlent une intimité profondément bouleversée par le cancer, même une fois les traitements terminés.

  • 35,2 %

    DES PERSONNES
    déclarent se sentir moins attirantes sexuellement à cause du cancer ou de ses traitements(1).

  • 56,8 %

    DES PERSONNES
    signalent une diminution de leur désir sexuel cinq ans après la fin des traitements(1).

  • 47 %

    DES PERSONNES
    ayant eu un rapport sexuel déclarent ne pas avoir eu de plaisir, ou en avoir eu très peu(2).

  • 61 %

    DES FEMMES
    ont déclaré avoir eu des problèmes de sécheresse vaginale(2) pendant l’activité sexuelle.

(1) Étude « La vie cinq ans après un diagnostic de cancer (VICAN 5) », Institut national du cancer, 2015.
(2) Résultats préliminaires de l’étude CASEXPA réalisée par le CHU de Clermont-Ferrand sur 1 133 patients interrogés via un questionnaire (du 17 septembre 2024 au 26 août 2025).

Sexualité après un cancer : ils lèvent le tabou

Jean-Pierre et Nadia ont tous les deux été traités pour un cancer.
Ils témoignent des effets secondaires des traitements sur leur intimité.

Témoignage de Jean-Pierre dans le dossier sexualité (Vivre 408)

Jean-Pierre, 82 ans, traité depuis deux ans pour le cancer de la protaste.
« Peu avant l’anniversaire de mes 80 ans, un urologue m’a diagnostiqué un cancer de la prostate. J’ai subi quarante séances de radiothérapie et je suis actuellement sous hormonothérapie. Ce traitement a sur moi l’effet d’une “castration chimique”, une expression employée par mon médecin. Je n’ai plus aucune érection et j’ai eu beaucoup de mal à accepter cette situation, surtout au début. Pour moi, c’est une perte de virilité, mais j’ai fini par accepter la situation car je suis de nature assez résiliente. Je trouve d’autres plaisirs, dans les bons repas entre amis, par exemple. 

En revanche, j’ai préféré mettre en pause la relation que j’entretenais avec une femme avant la maladie car je n’avais plus d’envies et que j’étais incapable de lui offrir un rapport sexuel complet. On m’a prescrit des médicaments qui auraient pu m’aider à retrouver une érection mais j’ai préféré ne pas les prendre et me concentrer sur ma guérison. J’ai toujours discuté très librement, avec les médecins ou avec certains amis proches, des troubles de la sexualité et j’ai aussi pu participer à un groupe de parole “sans tabou” organisé par le comité de la Ligue des Pyrénées-Atlantiques. Rencontrer des hommes – mais aussi des femmes – qui traversent aussi ces troubles m’a fait du bien. Ces échanges aident à relativiser sa propre situation. Aujourd’hui, je suis à la fin des traitements et mon urologue m’a assuré que les problèmes d’érection s’arrêteraient. Je constate que l’envie revient progressivement, en tout cas dans ma tête.  Je reste prudent sur la suite. »

Témoignage de Nadia dans le dossier sexualité (Vivre 408)

Nadia, 40 ans, en traitement d’hormonothérapie pour un cancer du sein
« Avec les kilos pris au cours de la maladie, les cicatrices, la perte de cheveux et les douleurs liées à la sécheresse intime, je vivais un enfer. Pour mon compagnon, rencontré seulement quelques mois avant le diagnostic, ce n’était pas simple non plus. Il a fait le choix de rester très présent pour moi et de se montrer très compréhensif, mais il ne savait pas trop comment s’y prendre. Comme la pénétration était trop douloureuse pour moi, nous avons développé d’autres gestes de tendresse, des caresses, des massages, notamment sur mon crâne.
Et ce n’est qu’à la fin de mes séances de chimiothérapie qu’une infirmière m’a demandé comment j’allais sur le plan
de mon intimité. Je me suis effondrée.

Aucun soignant ne m’avait parlé de ce sujet depuis le début des traitements. Un rendez-vous chez un gynécologue m’a appris que des solutions existaient contre la sécheresse intime. J’ai essayé différents gels lubrifiants mais leur effet était très limité. Et j’ai découvert que des injections d’acide hyaluronique combinées à des séances de photobiomodulation, une technique qui utilise la lumière pulsée, étaient très bénéfiques. Mais ces séances sont chères, non remboursées et nécessitent d’être renouvelées régulièrement. C’est une dépense qui pèse trop sur le budget de ma famille et je le déplore. Les hommes bénéficient de médicaments contre les problèmes d’érection. Nous les femmes, devons faire avec nos douleurs. J’ai eu simplement droit à une prescription d’anxiolytiques, alors que je n’en avais pas du tout besoin. En 2025, je trouve cela très choquant. »

3 conseils pour une sexualité épanouie

En couple, parler de ses désirs, des gestes et des positions que l’on aime, mais aussi de ce qui déplaît et de ses éventuelles douleurs et inquiétudes peut fonder les bases d’une intimité respectueuse de chacun. Vous avez du mal à vous lancer ? Des supports peuvent aider à ouvrir le dialogue avec votre partenaire comme des jeux de cartes, des cahiers d’activités pour adultes… Voici quelques lectures utiles pour alimenter la discussion : Corps, amour, sexualité de Charline Vermont (2022), aux éd. Albin Michel, Cancer et sexualité, si on en parlait ! (2018) et Le désir sexuel (2020) de Sébastien Landry aux éditions In Press.

Après une pause sexuelle plus ou moins longue en fonction des traitements, il est parfois difficile de renouer avec son corps et celui de son partenaire. On ne sait pas forcément comment s’y prendre. Alors pour faire renaître le désir à deux, il peut être intéressant de commencer par de petites attentions : se (re)prendre dans les bras, s’embrasser pour se dire « bonjour » et « au revoir », demander à l’autre comment il va, prendre le temps d’écouter sa réponse, consacrer du temps à son couple…

Les sensations après un cancer ne sont pas forcément les mêmes qu’avant. Alors pour découvrir son nouveau corps, les zones de plaisir ou de déplaisir, pourquoi ne pas l’explorer ? En solo ou à deux, la masturbation, les jouets et jeux sexuels, ou encore la recherche de nouvelles positions peuvent aider à trouver ses marques.

  • Forum
  • Forum
  • Forum
  • Forum
  • Forum
  • Forum
  • Forum
  • Forum
  • Forum
  • Forum
  • Forum
  • Forum
  • Forum
  • Forum

Rendez-vous sur le forum

Visiter le forum