
« Je regrette de ne pas avoir demandé davantage d’aide. »
En pleine crise du Covid, Cyrille est traité pour un lymphome du médiastin. Un combat solitaire qui aboutira à une reprise du travail difficile pour ce sapeur-pompier passionné.
Juin 2025 (n°406) – Texte : Chloé Dussère
Temps de lecture : 5 minutes
C’est à l’âge de 47 ans, dans une chambre d’hôpital, que Cyrille apprend son cancer. L’annonce, faite par l’interne en une dizaine de minutes, laisse Cyrille seul avec sa peur et ses questionnements. Arrivé à l’hôpital via les urgences souffrant d’une grande fatigue et d’une sensation d’étouffement avec de forts maux de tête depuis quinze jours, il restera finalement cinq jours sous oxygène jusqu’à ce qu’une biopsie précise le diagnostic : un lymphome du médiastin, cette zone de la cage thoracique située entre les deux poumons.
Ancien militaire et sapeur-pompier en activité, il se mobilise alors pour ce qu’il appelle « son combat ». Mais là encore, c’est dans un isolement imposé par le confinement, alors qu’éclate la crise du Covid, que Cyrille affronte les traitements : six mois d’une chimiothérapie fortement dosée. « Les trois premières semaines, je rassurais mon entourage, raconte-t-il. Je motivais mes proches en leur disant que tout irait bien mais, en réalité, j’avais peur et j’aurais eu besoin de leur présence. Les soutiens sont venus plus tard et m’ont fait du bien. Mes collègues aussi m’ont écrit, tout au début, mais la communication s’est tarie au bout d’un moment. »

J’ai eu beaucoup de mal à admettre que j’étais diminué. »
Cyrille, sapeur-pompier
Pendant six mois, Cyrille supporte les traitements en traversant des périodes de fortes douleurs et de très grande faiblesse. Son naturel optimiste est parfois mis à mal par les effets secondaires de la chimiothérapie. « Je me souviens d’un moment de découragement, poursuit-il. Je souffrais énormément, je n’arrivais plus à manger et j’étais particulièrement faible. J’ai eu la sensation de n’être qu’un poids pour la société. Pendant trente minutes, j’ai eu besoin de lâcher ce ressenti avant de me reprendre en main. »
À l’issue du traitement, Cyrille ne pense qu’à une chose : reprendre le chemin de la caserne pour se sentir à nouveau vivant, utile aux autres. Sourd aux alertes des médecins qui essaient de tempérer son énergie, il reprend le travail en mi-temps thérapeutique. « Dès le premier quart d’heure du premier jour, je me suis mis à ressentir un épuisement intense, se souvient-il. J’avais honte d’aller me reposer, honte de demander de l’aide et je n’ai pas su expliquer mes difficultés et mes séquelles à mes collègues. Pourtant, j’étais déséquilibré par des acouphènes, je ressentais un brouillard mental provoquant une fatigue intense, je souffrais de neuropathies et des crampes nocturnes m’empêchaient de dormir. J’ai sous-estimé l’impact des traitements et les séquelles. » Difficile, pour un pompier, d’avouer un état de faiblesse, alors Cyrille se confie au psychologue du département. « J’ai eu besoin de stabilité, d’ancrage, d’accepter que je ne fusse plus le même homme et pourtant, je pouvais encore tellement apporter autour de moi. »
Il n’est plus possible, pour lui, de remonter dans un camion pour l’instant, de retrouver l’adrénaline des départs et l’esprit d’équipe qui anime chaque sortie de la caserne. « J’ai eu beaucoup de mal à supporter d’être diminué physiquement et mentalement, confirme Cyrille. Cette prise de conscience a tardé, mais j’ai dû me résoudre à arrêter certaines missions en opérationnel, eu égard au risque de mettre en danger mes collègues ou les victimes. » Cyrille veut néanmoins aider, trouver sa place, et sa motivation ne passe pas inaperçue auprès de sa hiérarchie qui ouvre un nouveau poste à sa mesure. Sa mission : assurer la gestion, le suivi et la maintenance du matériel biomédical des pompiers sur l’ensemble du département de la Marne. « Ce poste m’aide à reprendre confiance car je me sens de nouveau utile et je vois le regard des autres sur moi évoluer », remarque-t-il.
La volonté d’être utile pousse Cyrille à rejoindre le comité départemental de la Ligue contre le cancer, à Reims (51). Il y est formé pour devenir patient ressource afin de transmettre son vécu aux professionnels de santé en formation et d’accompagner les personnes qui traversent la maladie. « J’ai trouvé dans ce collectif une force bienveillante pleine d’espoir, résume-t-il. J’y puise beaucoup d’énergie à redonner, à mon tour, et j’aime porter le message qu’il est important de ne pas minimiser l’épreuve du cancer. C’est un événement qui perturbe le corps et l’esprit, une longue trajectoire où chaque petit pas est une victoire pour la vie. »
Ça m’a aidé !
L’activité physique pendant mon hospitalisation. Je faisais des allers-retours dans les couloirs de l’hôpital et je consignais mes performances dans un tableur pour suivre ma progression.
La musique, de la bande originale du film Gladiator pour m’aider à combattre la maladie jusqu’à des titres plus sombres pour lâcher prise, en passant par toutes les musiques de ma jeunesse pour leur énergie positive.
La lecture, de livres de développement personnel mais aussi Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’une, de Raphaëlle Giordano, les romans de Maud Ankaoua (Kilomètre Zéro, Respire et Plus jamais sans moi) et aussi des biographies de personnes inspirantes.
Des séances de sophrologie pour gérer les douleurs et penser à moi. Un très beau cadeau offert par une de mes sœurs.
Les messages de mes proches, une source d’énergie immense, pour moi.