Marie-Pierre Revel

Marie-Pierre Revel est professeur en radiologie à l’Université Paris-Cité et auteur du livre En finir avec le cancer du poumon, c’est possible ! Pour Vivre, elle nous livre cette tribune engagée sur la nécessité du dépistage et de la prévention.

Le cancer du poumon cause aujourd’hui plus de 30 000 décès par an et le profil des personnes touchées par cette maladie a beaucoup évolué. Jusqu’aux années 70, c’était une maladie quasi inexistante chez les femmes en France, car une minorité d’entre elles étaient fumeuses. Aujourd’hui, elles représentent 35 % des patients, lesquels sont de plus en plus jeunes. Le cancer du poumon ne doit pas simplement être dépisté, il doit enfin disparaître. Il va falloir y travailler tous ensemble.

La Ligue contre le cancer réalise déjà énormément de campagnes sur le dépistage et la prévention, la recherche et les traitements progressent. Mais l’éradication du cancer du poumon ne dépend pas seulement des associations de patients et des professionnels de santé. C’est une question de volonté sociétale.

S’attaquer à la première cause : le tabac

Il me semble essentiel de s’attaquer vraiment à la première cause de cette maladie : le tabac, responsable de 75 000 décès par an, toutes maladies confondues. Or, tant que les bureaux de tabac continueront d’occuper une telle place dans l’espace public, nous n’y arriverons pas. Nous avons réussi à éliminer la cigarette des restaurants et des écrans de télévision mais elle persiste au cinéma, où fumer reste un code narratif de tension ou de nervosité.

On ne peut que saluer l’action d’une association telle que l’italienne Women Against Lung Cancer in Europe (WALCE) qui milite pour que les scènes de tabagisme disparaissent du cinéma car il a été démontré que cela avait une influence très négative sur les adolescents.

Il y a une contradiction intrinsèque dans le fait de dire que « fumer tue » tout en continuant à banaliser le tabac, en permettant à nos concitoyens de se procurer cette substance hautement addictive comme on achète une baguette de pain. Dans ce contexte, la prise de conscience est impossible.

Si l’on veut véritablement faire diminuer le nombre de maladies liées au tabac, je vois deux priorités.

La première consiste à consacrer des moyens massifs à l’aide au sevrage tabagique. Aujourd’hui, ces moyens sont notoirement insuffisants. L’hôpital, comme la ville, manque de tabacologues alors que nous savons l’importance d’aider les personnes pour qu’elles se débarrassent définitivement de la cigarette. Elles ont besoin de soutien, en particulier au début, car les trois premiers mois d’arrêt sont difficiles.

L’autre priorité concerne la prévention secondaire, c’est-à-dire le dépistage : il y a 80 % de chances d’être guéri d’un cancer du poumon dépisté. J’en suis moi-même la preuve ; en 2015, on m’a détecté un nodule, c’est-à-dire une forme débutante de cancer qui a pu être opéré. Ma cousine, elle, n’a pas eu cette chance ; elle est décédée à l’âge de 58 ans d’un cancer du poumon à cause du tabac. Ce deuil, mais aussi tous les deuils professionnels que j’ai vécus à l’hôpital, m’a donné envie de prendre la parole sur ce sujet – à travers un livre, mais aussi un documentaire (voir encadré) – pour que nous réussissions, collectivement, à en finir avec le cancer du poumon.