Prédispositions génétiques : savoir pour mieux prévenir…

On estime que 5 à 10 % des cancers sont liés à une altération génétique constitutionnelle (source : Institut national du cancer), c’est-à-dire acquise dès la naissance. Sa détection permet des actions de prévention et de suivi pour éviter la survenue du cancer ou en minimiser les conséquences. Mais avec quel impact sur la famille ?

Septembre 2025 (n° 407) – Texte : Chloé Dussère
Temps de lecture : 20 minutes

La couleur des yeux, la nature des cheveux ou la corpulence peuvent se transmettre d’une génération à une autre, au sein d’une même famille. Cette transmission s’effectue par les gènes et constitue l’hérédité. Mais, parfois, certains de ces gènes sont porteurs d’altérations susceptibles d’impacter la santé de ceux qui en ont hérité. On parle alors de prédispositions génétiques avec à la clé un risque accru de développer différentes maladies, et notamment certains cancers.


Aujourd’hui, plus de quatre-vingts gènes de prédisposition génétique aux cancers ont été identifiés pour certains types de cancers du sein, de l’ovaire, de la prostate, mais aussi pour des formes héréditaires de cancers colorectaux, de mélanomes…

« Être porteur de ces altérations génétiques ne signifie pas forcément que le cancer se déclarera, précise le professeur Dominique Stoppa-Lyonnet, médecin, professeur de génétique à l’université Paris Cité et ancienne responsable du service de génétique de l’Institut Curie. Nous savons qu’une femme porteuse d’une altération du gène BRCA1 a 70 % de risque de développer un cancer du  sein, contre 12 % dans la population générale. Le cancer survient autour de 45 ans chez une femme prédisposée, contre 65 ans pour une femme dans la population générale. »

Une pratique médicale très encadrée

En France, les lois de bioéthique promulguées entre 1994 et 2021 encadrent les conditions de réalisation des tests génétiques médicaux. Il existe deux types de tests : ceux réalisés en première intention pour comprendre l’histoire d’une personne (le cas « index ») et les tests réalisés en cascade chez ses apparentés, le plus souvent sans symptômes, qui reposent sur la recherche de l’altération identifiée chez le cas index. Abordés dans un cadre médical strict lors d’une consultation d’oncogénétique, ces tests sont proposés quand certains critères sont remplis. « Nous tenons compte de l’histoire familiale et du profil de la personne, explique le professeur Stoppa-Lyonnet. Par exemple, une recherche de prédisposition génétique est systématiquement proposée aux jeunes femmes de moins de 40 ans, aux femmes atteintes d’un cancer bilatéral (sur les deux seins, par exemple), d’un cancer du sein triple négatif, d’un cancer de l’ovaire de haut grade, etc. En revanche, si deux sœurs de plus de 60 ans reçoivent un diagnostic de cancer du sein, les tests ne leur seront pas proposés. »

Les personnes expriment une crainte de la maladie pour elles-mêmes, mais surtout une crainte de la transmission aux enfants. »

Dominique Stoppa-Lyonnet,
médecin et professeur de génétique
à l’université Paris Cité

La possibilité de tester fait l’objet d’une discussion avec l’oncologue et/ou le généticien qui présente les enjeux, les risques, oriente vers la consultation de génétique et prépare à l’annonce des résultats et à leurs conséquences pour le patient et sa famille. Un entretien psychologique est également automatiquement proposé. « Une consultation en amont des résultats prépare la personne à cette annonce, qui peut générer une inquiétude légère à sévère, voire une réaction post-traumatique », explique le docteur Khadija Lahlou-Laforêt, psychiatre à l’hôpital européen Georges Pompidou.

Résultat négatif : un soulagement, mais parfois en demi-teinte

Si aucune prédisposition génétique n’est révélée par les tests chez un cas index, cette annonce peut représenter un soulagement pour le patient qui se déleste alors  de la possibilité de léguer le risque de cancer à ses enfants. « Mais il faut rester prudent, d’autant plus si l’histoire individuelle et familiale est sévère, avec des cancers sur plusieurs générations, ajoute le professeur Stoppa-Lyonnet. Il y a aussi la situation difficile de l’identification d’un variant de signification incertaine (VSI) dont on ne sait pas dire s’il est dangereux ou non ». « Certaines personnes, apprenant qu’elles ne sont pas porteuses de la prédisposition génétique qui existe dans leur famille, peuvent également ressentir de la déception, voire de la culpabilité, prévient le docteur Lahlou-Laforêt. En effet, la génétique peut faire peur par ce qu’elle comporte d’inconnu, mais elle peut aussi consolider le sentiment d’appartenance à la famille et favoriser l’identification. »

La délicate gestion d’un résultat positif

Apprendre que l’on est porteur d’une prédisposition génétique au cancer fait passer d’une inquiétude – l’angoisse des résultats – à une autre : la possibilité d’être, un jour, soi-même malade et/ou de voir ses enfants malades. D’où l’importance d’une prise en charge pluridisciplinaire associant généticien, conseiller en génétique et psychologue ou psychiatre et oncologue ou spécialiste de la pathologie diagnostiquée pour la prise en charge. « Une personne qui ne présentait pas de fragilité psychologique particulière avant les résultats peut plus facilement surmonter cette nouvelle, ajoute le docteur Lahlou-Laforêt. Mais l’annonce du résultat génétique peut aussi réactiver des traumatismes ».

Quand une prédisposition génétique est identifiée pour la première fois au sein d’une famille, la loi (articles R. 1131-19 et suivants du code de la santé publique) prévoit une obligation d’information des apparentés : parents, frères et sœurs, enfants… La personne peut choisir d’informer elle-même sa famille ou donner son accord au médecin pour qu’il s’en charge. Là aussi, l’accompagnement par l’équipe soignante est important. Parfois, les liens familiaux sont distendus, des conflits ou des violences passées entravent la possibilité d’une communication sereine. L’accompagnement psychologique aide les patients à cheminer dans leur décision d’informer leurs proches, précise le docteur Lahlou-Laforêt. La plupart du temps, l’argument de la prévention via la connaissance des risques permet l’information des apparentés y compris en cas de relation conflictuelle. En effet, être porteur d’une prédisposition génétique implique un suivi médical régulier visant une prise en charge précoce des tumeurs.

L’accompagnement psychologique, en amont de la pratique du test génétique, aide à mieux anticiper les résultats dans le contexte personnel de la personne. »

Dr Khadija Lahlou Laforêt,
psychiatre à l’hôpital européen

Et demain ?

L’identification de facteurs génétiques de risque ouvre de réelles perspectives de prévention et de diagnostic précoce. Avec les explorations génétiques il est possible de personnaliser davantage la prévention et c’est la Ligue contre le cancer qui, la première, a eu cette intuition dans les années 90 en soutenant financièrement l’ouverture des premières consultations d’oncogénétique, raconte le professeur Dominique Stoppa-Lyonnet. Dans les années qui viennent, il va nous falloir former massivement les oncologues, les médecins de différentes spécialités mais aussi nos collègues généralistes à la génétique et continuer d’accumuler des connaissances, notamment via des études d’épidémiologie génétique reposant sur des études de suivi – cohorte. Citons aussi la base de données nationale et partagée FrOG (French OncoGenetics) destinée à la classification de variants de signification inconnue et par là à améliorer la prise en charge des personnes à haut risque de cancer.

Certaines mutations génétiques augmentent considérablement le risque de développer un cancer, en particulier du sein et de l’ovaire. Si elles ne concernent qu’une minorité de la population, leur impact peut être majeur pour les personnes porteuses.

Sources : Institut national du cancer
• Prédispositions génétiques
• Oncogénétique en 2022 – Consultations en 2022, programmes de suivi en 2021 et 2022.

Comprendre la différence : mutation tumorale ou constitutionnelle ?

Tests génétiques en accès direct : attention danger !

Interdits en France, les tests génétiques en direct to consumer (DTC) sont accessibles via Internet, souvent proposés par des entreprises américaines. À prix attractif, ils promettent une exploration de l’ADN à même d’identifier des prédispositions génétiques à partir d’un simple échantillon de salive. Problème : ces tests ne bénéficient d’aucun encadrement, n’offrent aucun accompagnement concernant la lecture des résultats, lesquels manquent souvent, de plus, de fiabilité. « Un jeune homme, quelques semaines après l’envoi d’un prélèvement de salive en Italie, a reçu un banal courrier lui indiquant qu’il était porteur de deux rares facteurs de risque majeur de cancers (…), rapporte une tribune parue en septembre 2020 dans Le Figaro, cosignée par le professeur Dominique Stoppa-Lyonnet. Seul “heureux” problème : ces résultats étaient totalement faux, des faux positifs secondaires dus à l’utilisation inappropriée d’algorithmes bio-informatiques et à l’absence de validation par un biologiste compétent. »

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