Ligués contre le cancer

Portrait

Traverser l’Atlantique pour mieux se libérer du cancer

Fin 2O19, huit femmes originaires de Suisse, dont six ayant subi un cancer du sein, ont traversé l’Atlantique. Ce projet, baptisé r’Ose Transat, est une plongée dans les eaux troubles de la maladie, mais surtout une ode à la vie, une renaissance.

Aventure sportive
Cancer du sein
Retour d'expérience
transat au féminin

21/06/2022

Elles s’appellent Élisabeth, Francesca, Caroline, Stéphane, Nicole et Nadège. Leur point commun : avoir traversé l’épreuve du cancer du sein. En novembre 2019, accompagnées de Muriel, la skippeuse, et Carine, la médecin, elles ont relevé un défi fou : traverser l’Atlantique en trois semaines en partant des îles Canaries, en Espagne, pour rejoindre la baie de Sainte-Anne, en Martinique. À l’origine de ce projet, il y a la détermination d’Élisabeth Thorens-Gaud, qui a fédéré autour d’elle tout l’équipage et levé les fonds pour concrétiser ce rêve devenu réalité. « Tout est parti d’une boutade avec l’oncologue qui me suivait depuis 2016, l’année de mon cancer, raconte la fringante sexagénaire. Je lui ai dit qu’après vingt-cinq ans de voile sur le lac Léman, j’avais envie d’aventure, de transcender mes peurs avec d’autres femmes ayant traversé comme moi l’épreuve de la maladie. Je lui ai parlé de transatlantique et il m’a immédiatement soutenue. »

« Cette traversée était un moment magique dans lequel je vais puiser encore longtemps. »

Francesca Argiroffo

Tout s’enchaîne assez rapidement ensuite : l’association r’Ose Transat est créée, les soutiens financiers et les bénévoles affluent. La skippeuse, Muriel, une connaissance d’Élisabeth, rejoint l’aventure et Carine, sa gynécologue, pose immédiatement ses congés pour être également du voyage. Le recrutement des autres participantes se fait via les réseaux et les « liens du cœur », comme aime le préciser Élisabeth. Le bateau est trouvé auprès d’un loueur touché par la maladie qui a emporté sa mère et le cercle des soutiens continue de grandir. L’équipage de huit femmes, motivées comme jamais, portant, pour six d’entre elles, la douloureuse expérience de la maladie, est constitué et prend le départ, le 5 novembre 2019. Caroline Ackermann, enseignante atteinte d’un cancer du sein un an plus tôt, fait partie du voyage : « J’ai tout de suite accepté cette expérience comme un cadeau, une main tendue pour me sortir non seulement du cancer, mais aussi de la dépression dans laquelle j’avais plongé juste après ».

« Naviguer permet d’être dans l’instant présent, d’oublier le passé. »

Élisabeth Thorens-Gaud

À bord, également, Francesca Argiroffo, journaliste radio, prend le bateau avec l’expérience de son « petit cancer » et surtout un enregistreur et un micro qui lui permettent de réaliser le carnet de bord sonore de la traversée. Des trente heures d’enregistrement qu’elle a collectées tout au long du voyage, Francesca a tiré le podcast 8 femmes à bord en cinq épisodes. Sur les bruits de vague et de vent, on entend les rires, les joies et les peurs de cette équipe de battantes qui vivent la sororité comme un moteur pour aller au bout de leurs rêves. Face au micro de Francesca, chaque participante manœuvre le bateau et témoigne de son expérience de la maladie, de ses angoisses, de son nouveau corps et de la difficulté de se l’approprier, du regard des autres et du regard que l’on porte sur soi, sur celle que l’on était et que l’on ne sera plus tout à fait. « Je me suis rendu compte qu’il y a autant de cancers que de femmes, raconte Francesca. Et pendant toute la traversée, j’ai eu l’impression de faire partie d’une même humanité. J’ai eu envie de faire entendre ces femmes qui traversent le cancer et de parler de la maladie autrement qu’avec des chiffres et des pourcentages de survie. »

« Grâce à cette expérience, j’ai pu retrouver ma place dans le quotidien. »

Caroline Ackermann

Trois semaines après avoir vogué sans encombre malgré quelques frayeurs ponctuelles qui se sont invitées dans l’aventure, les participantes se sont quittées grandies, renforcées et « unies à jamais par un lien indéfectible », précise Caroline. « J’ai été portée par tout l’amour et la bienveillance qu’il y avait en nous, raconte Élisabeth. Et cet élan, nous le faisons perdurer aujourd’hui en organisant des stages de voile pour les femmes atteintes de cancer. » Dans le dernier épisode de son podcast, Francesca, habituée à recueillir les propos des autres plutôt qu’à s’exprimer elle-même, parle de sa propre expérience de la maladie. « Je leur devais bien ça », analyse-t-elle. Merci à toutes de nous avoir fait partager leur double traversée. Celle du cancer et celle de l’océan.

En savoir plus

R’Ose Transat, c’est aussi un podcast en cinq épisodes réalisé par Francesca Argiroffo pour la RTS baptisé 8 femmes à bord, un livre écrit par Élisabeth Thorens-Gaud intitulé « L’aventure r’Ose Transat » (éd. Favre) et un film disponible en intégralité sur YouTube (Voir la terre respirer, de Sophie Inglin). Pour tout savoir : www.rosetransat.com.


_ Ça nous a aidées _

Élisabeth, Francesca et Caroline nous racontent ce qui leur a permis de mieux supporter la maladie et les traitements.

Des projets pour se sentir vivante


« Pendant les traitements, j’avais la chance d’être assez en forme pour pouvoir mener des projets. J’ai notamment passé mon permis mer et cela m’a fait beaucoup de bien d’occuper mon esprit à étudier. »

(Élisabeth)

De bons petits plats

« Pendant la traversée, ce qui nous a aidées, c’étaient les bons petits plats inspirés des recettes du chef Ottolenghi. »
(Élisabeth)

La méditation pour mettre à distance les pensées négatives

« Je n’avais jamais pratiqué la méditation avant mon cancer, mais j’ai eu la chance de faire un stage pendant mes traitements et cela m’a permis de lâcher le mental pour me reconnecter à mon ressenti. Une pratique que je conserve encore aujourd’hui. »

(Caroline)

Mon coussin en forme de cœur, cousu avec amour


« Après mon opération, ma cicatrice douloureuse altérait mon sommeil. Une amie, qui avait elle-même eu un cancer, m’a fabriqué un coussin en forme de cœur à glisser sous le bras pour des nuits plus paisibles. Je ne l’ai pas quitté ; il me faisait faire de beaux rêves. »

(Francesca)

Mes promenades dans la forêt


« J’ai la chance de vivre près d’une forêt et, pendant mon traitement, j’y faisais une promenade chaque jour. Cette connexion avec la nature était vraiment bénéfique pour moi et l’activité physique faisait passer la fatigue. »


(Élisabeth)