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Téléphone mobile et tumeurs cérébrales, quel risque pour les jeunes ?

Les résultats d’une étude épidémiologique internationale Mobi-kids, portant sur l’exposition des jeunes aux téléphones mobiles, dont la composante française était financée par la Ligue, viennent d’être publiés dans la revue Environment International. Verdict : aucun surrisque de tumeurs cérébrales associé à l’utilisation de téléphones mobiles n’a pu être mis en évidence chez les 10-24 ans.

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21/06/2022

L’effet potentiel sur la santé des téléphones mobiles et plus globalement de tous les appareils émetteurs de radiofréquences constitue une source d’inquiétudes pour un nombre important de nos concitoyens. Concernant les cancers, l’inquiétude porte sur le surrisque de tumeur cérébrale que l’usage des téléphones mobiles, généralement utilisés en contact étroit avec la tête, pourrait entraîner. Les grandes études épidémiologiques menées sur le sujet ainsi que les recherches conduites sur des lignées de cellules ou des animaux n’ont pas établi de lien entre l’usage du téléphone mobile et un surrisque de cancer pour les tissus les plus exposés aux radiofréquences. Quoi qu’il en soit, certains résultats discordants, des incertitudes vis-à-vis des très longues périodes d’usage ou encore le cas particulier des enfants et adolescents, dont le système nerveux en développement pourrait être plus sensible, entretiennent le doute. Dans ce contexte, l’étude Mobi-kids, qui n’a pas pu établir de lien entre l’exposition au téléphone mobile et la survenue de tumeurs cérébrales chez les jeunes, livre des résultats rassurants.


Enfin une étude de grande ampleur
Lancée en 2009 après un appel à projets de la Commission européenne, l’étude Mobi-kids est une étude de grande ampleur, réalisée en France, donc, mais également dans une quinzaine de pays comme l’Espagne (qui coordonnait l’étude), l’Italie, l’Allemagne, la Grèce, ou Israël… Après un travail de préparation et de finalisation du protocole, les données ont été recueillies de 2012 à 2015 auprès de 899 individus de 10 à 24 ans hospitalisés pour une tumeur cérébrale (dont 102 en France) et de 1 910 « témoins » de même origine et de même tranche d’âge (dont 186 en France) hospitalisés pour une appendicite. Pourquoi tant de temps pour aboutir à une conclusion ? Parce que cette étude se fonde sur la méthode des cas témoins, qui compare des personnes ayant développé une pathologie à un groupe témoin qui en a été préservé, afin d’isoler des paramètres susceptibles d’expliquer ladite pathologie chez ceux qui en sont atteints. Et dans le cas présent, cette méthode se heurtait à une difficulté concrète : les tumeurs cérébrales chez les jeunes sont plutôt rares (lire encadré). Or, elle nécessite un certain nombre de cas afin d’obtenir un échantillon représentatif de la population générale qui soit suffisamment large pour être valide et indiscutable sur le plan scientifique, contrairement à de précédents travaux sur les dangers éventuels du téléphone portable, qui pâtissaient d’échantillons trop restreints.

« Avec l’étude Mobi-kids, nous disposons d’un nombre de cas suffisant pour que les résultats obtenus soient scientifiquement solides. »


Brigitte Lacour, responsable du Registre national des tumeurs de l’enfant et de la partie française de l’étude Mobi-kids


Difficultés théoriques à surmonter
Cette étude se heurtait également à des difficultés plus théoriques. La première, c’est le biais de mémoire des personnes étudiées : puisque leur exposition au téléphone portable était estimée à l’aide d’un questionnaire qui leur était adressé, cette estimation était tributaire de la façon dont elles se souvenaient avoir fait usage de leur téléphone. Ce biais a cependant pu être au moins en partie compensé par l’accès aux données d’utilisation fournies par les opérateurs téléphoniques, qui sont archivées pendant un an. Il a également fallu créer des modèles de mesure de l’exposition des cas étudiés aux ondes (zone du cerveau concernée, doses reçues, etc.) et prendre en compte le caractère multifactoriel des causes de tumeurs, lesquelles pourraient également être favorisées par l’exposition à des radiations lors de radios dentaires ou d’examens au scanner, par exemple. Ces difficultés théoriques sont cependant davantage surmontables que pour d’autres types d’études, notamment les études dites « de cohorte », qui dans ce cas précis compareraient dans la durée une population exposée aux téléphones portables à une autre non exposée, ce qui exige, outre l’accès à de très nombreux cas, une grande qualité de suivi dans le temps. Une étude de ce type, Cosmos, est cependant menée dans six pays européens depuis 2007, et devrait se poursuivre encore de nombreuses années.

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La hausse en trompe-l’œil des tumeurs cérébrales chez les jeunes
La principale source de crainte pour la santé des jeunes envers les téléphones portables est la hausse observée du nombre de tumeurs cérébrales, qui peut laisser penser à un lien de causalité. « Cette hausse est faible, tempère cependant Brigitte Lacour, responsable du Registre national des tumeurs de l’enfant, et cette pathologie reste heureusement rare, puisqu’elle ne concerne que 400 à 500 cas par an chez l’enfant de 0 à 15 ans. » En outre, la hausse peut s’expliquer par d’autres fac-teurs : amélioration du recueil des données et des techniques de diagnostic, changement de classification des pathologies… Des travaux sont en cours pour déterminer la part précise de ces facteurs dans la hausse constatée.

Santé et mobile : garder l’œil sur les usages
Si la recherche n’a pas établi de lien entre risque de tumeur cérébrale et exposition aux ondes des mobiles, l’usage de ces appareils par les plus jeunes n’a pour autant rien d’anodin. Le fait qu’on ne puisse pas encore totalement exclure un risque faible, la possibilité d’usages intensifs et, de façon plus concrète, les risques associés à la surutilisation des écrans, l’incitation à la sédentarité et à la consommation, le caractère de certains contenus… doivent inciter à la vigilance.
En savoir plus : www.anses.fr