Décryptage
Cyrille Delpierre,
docteur en sciences en épidémiologie à l’Université Toulouse III et directeur de recherche à l’Inserm.
Il est aussi directeur du Centre d’épidémiologie et de recherche en santé des POPulations (CERPOP, UMR1295) et coresponsable de l’équipe EQUITY labellisée par la Ligue contre le cancer qui travaille sur la construction des inégalités sociales de santé dans le domaine du cancer.
Comment les inégalités socio-économiques se répercutent-elles sur la santé ?
En France, on considère qu’il y a treize ans d’écart entre l’espérance de vie des 5 % les plus riches et celle des 5 % les plus pauvres. Les conditions de vie (expositions chimiques, physiques, comportementales, psychosociales) constituent le déterminant principal de l’état de santé des populations. Elles représentent un facteur de risque majeur de développer un cancer et influent sur la rapidité du dépistage, la qualité du traitement, et donc sur les chances de survie.
Comment réduire les inégalités de santé ?
Les inégalités de santé ont été mises à l’agenda politique mais nous manquons encore de moyens et notamment de données de santé croisées avec des données sociales pour investiguer pleinement ce sujet. D’autre part, un médecin a finalement peu de prise sur les conditions de vie qui peuvent favoriser la survenue d’un cancer, alors que les politiques publiques, elles, peuvent agir. D’où l’intérêt d’adopter une approche globale de la santé. En France, notre médecine curative est beaucoup plus performante que notre système de prévention, qui permettrait pourtant de limiter la survenue de la maladie
Les conditions socio-économiques peuvent-elles influer sur la génétique ?
Il est envisageable que l’épigénétique – les mécanismes qui modifient l’expression des gènes – soit en partie modulée par le milieu social. Ce sujet de recherche reste à approfondir mais des travaux montrent déjà que le fait d’avoir été exposé à des adversités dans l’enfance (vie en foyer, abus sexuels…) entraîne des modifications physiologiques. Reste à savoir si celles-ci favorisent la survenue de cancers. Un tel travail nécessite le recours à des cohortes de personnes suivies sur le long terme, qui restent rares, notamment en France.