Ligués contre le cancer

Les bons mots

Pourquoi le dépistage fait-il peur ?

Le dépistage des cancers sauve des vies, pourtant certaines personnes refusent de se faire dépister ou ignorent les invitations. Marie de Bonnières, psychologue clinicienne, nous explique les mécanismes psychologiques liés à ces comportements.

Comportement
Dépistage
Examen médical
Mécanismes psychologiques
Traumatismes

09/03/2023

Deux grands mécanismes psychologiques sont à l’origine de la peur du dépistage. Le premier est dit « rationnel ». Il s’agit de la peur de l’inconnu : comment va se dérouler cet examen ? Est-ce douloureux ? Que vais-je devoir faire ? « De nombreuses personnes extérieures au monde médical se posent beaucoup de questions sur l’examen du dépistage, explique Marie de Bonnières, psychologue clinicienne. Et moins l’on a d’informations, plus on va fantasmer des choses terribles. » En informant davantage les personnes sur le déroulé de l’examen, en répondant à leurs questions et en les rassurant, ce frein peut être levé. « Si, malgré des informations claires et détaillées, l’angoisse persiste, il y a certainement une origine psychique à trouver », analyse Marie de Bonnières.

Le souvenir de traumatismes passés


Le deuxième mécanisme de la peur du dépistage est psychique. « Pendant un examen, nous perdons en partie le contrôle de ce qu’il nous arrive. Nous cédons le contrôle de notre santé à un soignant, cela déstabilise », constate la psychologue. La relation de confiance avec le corps médical est alors primordiale. Or, cette dernière a pu être brisée par le passé suite à un événement traumatique : par exemple, une annonce diagnostique brutale, un acte douloureux, que ce soit un frottis ou une mammographie, ou encore un examen plus anodin comme une prise de sang. « Le corps garde en mémoire la douleur. Face à un nouvel examen médical, y compris un dépistage, c’est le corps qui parle, qui refuse », observe Maris de Bonnières.
Un dépistage peut aussi rappeler une ancienne maladie traumatisante. L’invitation à passer une mammographie fait écho, par exemple, à un cancer du sein vécu plus jeune et ravive la peur de revivre cette épreuve. « Pour certains, le dépistage est une menace, le moment où tout peut leur échapper. Mais la menace, c’est la maladie. Ne pas se faire dépister ne veut pas dire empêcher la maladie », argumente la psychologue.

Une peur transmise de génération en génération


Autre mécanisme psychique, celui de la peur transmise, par exemple de génération en génération ou liée à un proche que l’on a accompagné. Ce sont les histoires de dépistages mal vécus, de cancers qui ont touché une tante, un grand-père, une amie… Ces peurs restent très ancrées dans l’inconscient, elles sont très intenses. Une invitation au dépistage réactive, alors, cette angoisse de vivre la même chose. Enfin, le dernier mécanisme est celui du sentiment illusoire d’invincibilité. Vivre est un risque permanent. Ignorer les invitations au dépistage semble alors être une protection psychique face à une peur existentielle, celle de la maladie et de la mort.

À lire


Mieux vivre avec une maladie chronique, de Marie de Bonnières (paru en août 2022), éditions Larousse, 18,95 €.

Quelques chiffres


57 % des femmes ne se rendent pas à la mammographie
de dépistage organisé du cancer du sein (entre 50 et 74 ans).


65 % des Français ne répondent pas à l’invitation au
dépistage du cancer colorectal (hommes et femmes entre 50 et 74 ans).


Sources : assurance maladie et Santé publique France.