Ligués contre le cancer

Jeunes et santé

Le débat : l’école, acteur de la prévention santé ?

Pour les jeunes, l’école reste la principale source d’information sur les enjeux de santé et la prévention, avec les parents, les copains et – pour le meilleur comme pour le pire – les réseaux sociaux. Deux élèves de collège et une infirmière scolaire témoignent, tandis que Santé publique France revient sur le pilotage national des actions de prévention.

Ecole
Prévention
Témoignage

21/09/2021

Emna Boussanoune, élève de 4e (depuis septembre) dans un collège de Chambéry (73).

« Perso, on a besoin d’informations  sur la santé. On en a un peu en classe, mais pas assez.  »

« Alors, on parle avec les copines, avec les parents et, sinon, on va chercher sur Internet. Le problème, c’est que les informations sur la santé sont compliquées et on sait pas trop si on peut avoir confiance.  Entre nous, il nous arrive de parler  de jeunes qui fument. Les autres sujets, c’est bien sûr la Covid cette année, avec les masques, les règles sanitaires, les cours à distance…  Il y a aussi d’autres maladies contagieuses qui font peur. Et bien sûr le cancer. J’ai eu un décès  dans ma famille, alors mes parents m’ont expliqué et ça m’a permis  de mieux comprendre. Et puis,  il y a d’autres sujets qui ont un lien avec la santé. Je pense à l’obésité,  à force de rester devant des écrans. En tout cas, moi je fais du sport –  de l’athlétisme – et j’ai appris  à régler mon alimentation. On a vu l’infirmière pour la visite annuelle et, parfois, pour des petits bobos. Mais j’aimerais aussi avoir des séances d’information, plus d’intervenants extérieurs, des jeux sur la santé, des blogs conçus pour nous… »

Mariami Markozashvili, élève de 4e (depuis septembre) dans un collège de Chambéry (73).

« Avec la crise sanitaire, on n’a pas eu grand-chose depuis la 6e.  L’an dernier, la Covid a beaucoup perturbé le fonctionnement du collège. Alors on se débrouille. »

« Il y a les parents, bien sûr, mais  ils ne savent pas tout sur la santé.  Je pense aussi aux enseignants, mais sur la santé, c’est un peu pareil. Alors, il y a les médecins et  il y a Internet, mais j’ai vraiment l’impression que ça n’est pas toujours sûr. D’ailleurs, j’utilise peu les réseaux sociaux pour m’informer. Ce que j’aimerais, en fait, c’est avoir des infos fiables. J’ai plusieurs sujets  sur lesquels je voudrais en savoir plus, comme les maladies graves. L’épidémie de Covid-19, mais également d’autres maladies  qui peuvent être graves, comme la varicelle. J’aimerais aussi qu’on nous parle du tabac et des risques qui vont avec, comment éviter ou arrêter de fumer. Et puis j’aimerais savoir comment réagir si quelqu’un fait un malaise. Il faudrait vraiment que le collège en fasse plus sur la prévention santé, même si je comprends que c’est compliqué, en ce moment, avec toutes les règles sanitaires.  En attendant, je fais des sports que j’aime pour protéger ma santé ! »

Alexia Fournier, infirmière scolaire dans un collège de Chambéry (73)

« En matière de prévention santé,  le rôle d’une infirmière scolaire  est d’identifier les problématiques par le biais des bilans de santé  ou des passages à l’infirmerie. »

« Il faut ensuite proposer des actions adaptées en tenant compte des besoins des enfants. Puis il faut identifier les partenaires, définir  un planning, s’inscrire dans les parcours éducatif, santé, citoyen… Cela représente l’essentiel de mon activité. En fait, je peux dire que je fais de la prévention tout le temps, prévention individuelle auprès d’un élève lors d’un passage à l’infirmerie ou prévention collective. Celle-ci  est plus compliquée, car il faut mobiliser les équipes et disposer  de davantage de temps. J’interviens auprès des 500 élèves du collège, mais aussi dans des écoles primaires et maternelles,  ce n’est pas rien. Heureusement,  on dispose d’un certain nombre de relais et d’appuis, comme la Ligue contre le cancer. On communique beaucoup entre infirmières scolaires sur des échanges de bonnes pratiques, mais aussi avec les assistantes sociales, les enseignants, les psychologues…

Avec le recul, la principale difficulté est le manque de temps. Une action collective de prévention nécessite plusieurs séances, à prendre sur  le temps scolaire. Mais cela a un avantage : cela rend les élèves plus disponibles. Autre difficulté : on touche les enfants, mais c’est moins évident avec les parents, même  si on s’efforce de les associer. L’expérience montre que le thème qui intéresse le plus les ados, c’est l’éducation à la sexualité. Ils sont gênés, mais ont beaucoup de questions. Et même ceux qui ne participent pas à la discussion entendent au moins les réponses. Sur le reste, tous les thèmes les intéressent, du moment qu’on leur laisse la parole. Car on ne peut plus faire de la prévention à l’ancienne, avec affiches et diapos. Il faut créer un espace de parole, partir de leurs constats et de leurs connaissances, faire des choses ludiques…  Pour aller plus loin, il faudrait pouvoir agir sur plusieurs années, impliquer davantage les parents pour qu’ils soient des relais. Et puis,  il faudrait aussi renforcer  les compétences psychosociales des élèves, pour les aider à faire des choix, à se positionner face au groupe. »

Pierre Arwidson, directeur adjoint de la prévention et de la promotion de la santé à Santé publique France

« La prévention est une des missions de Santé publique France, avec la veille, la surveillance  et l’alerte. Notre action s’appuie sur un socle scientifique. Nous travaillons étroitement  avec l’école et la communauté éducative. »

« Un certain nombre de nos documents d’information  sont d’ailleurs disponibles sur  le site Éduscol. La prévention  à l’égard des mineurs s’applique dans le domaine des addictions, de la nutrition, de la promotion de l’activité physique, de la lutte contre  la sédentarité, de la santé sexuelle et de la santé mentale. Tous les sujets de santé sont importants.  La pandémie et le confinement ont mis en lumière l’importance de la santé mentale et de sa promotion. Sur ce sujet, nous avons déployé récemment un dispositif digital  à destination des jeunes avec  le #JenParleA. Cette campagne avait pour but de libérer la parole, ce qui est le premier pas vers une recherche d’aide, et de proposer aux adolescents en souffrance  de s’adresser à Fil Santé Jeunes. Au niveau national, Santé publique France agit via les médias, notamment lors des différentes campagnes d’information et/ou  via des sites Internet dédiés.  Sur le terrain, nous recommandons de favoriser des interventions  qui ont démontré leur efficacité. Leur mise en œuvre concrète est  de la responsabilité des agences régionales de santé, des rectorats, des responsables d’établissement  et des enseignants. Il est nécessaire d’être là où les jeunes sont. Les campagnes  qui leur sont destinées passent  par les réseaux sociaux et par des influenceurs. Par exemple,  il y a quelque temps, nous avons confié la réalisation de la vidéo pour sensibiliser les jeunes aux méfaits de l’alcool à McFly et Carlito ou dernièrement, en juin 2021,  la campagne santé mentale #JenParleA a été déployée sur les réseaux sociaux et YouTube. Il faut considérer que les jeunes sont capables de s’intéresser à tous les sujets de la société. Être à leur écoute en respectant leurs codes, leurs préoccupations et leur  pudeur est essentiel. En ce qui concerne le tabac, il faut travailler à éviter l’entrée  et surtout l’installation dans  le tabagisme. Pour les plus âgés déjà consommateurs, les aider  et les motiver à arrêter de fumer. Le principe général est d’avoir une approche dite « d’universalisme proportionné » : il faut que tout le monde ait une offre, mais elle  doit être graduée en fonction des différents besoins des jeunes. »