Ligués contre le cancer

Couple

En couple, le cancer se vit à deux

Vincent Guerrier avait 23 ans quand il a été traité pour un lymphome. Lui et sa compagne, Léa Dall’Aglio, ont affronté la maladie ensemble. Une expérience forte qui a tissé un lien particulier entre eux… et a fait naître de beaux projets.
Article paru dans Vivre N°390 de juin 2021.

Accompagnement
Aidant
Couple

10/06/2021

Photographie par Émeric Gouëbault

Le couple que forment Léa et Vincent force l’admiration. Sans avoir encore franchi le cap des 30 ans, ils ont affronté ensemble le lymphome de Vincent diagnostiqué en août 2016, puis sa rechute deux ans plus tard. Dans le même temps, ils ont également créé l’association Malades de sport et son site Internet, réalisé un documentaire et écrit un livre. Le tout, dans leur appartement de 22 m2 dans lequel ils se retrouvent aujourd’hui uniquement le week-end, car ils travaillent comme journalistes localiers dans l’Orne à une heure de route l’un de l’autre. Des événements qui rapprochent, une vie professionnelle qui éloigne et des projets qui leur donnent envie d’aller plus loin ensemble ; telles sont les fondations de ce couple.

C’est à l’âge de 23 ans que Vincent apprend qu’il est atteint d’un lymphome. Il est alors en couple avec Léa, rencontrée deux ans plus tôt en école de journalisme, à Montpellier. Il travaille dans la Drôme, elle en Bretagne. Ils ne vivent pas encore ensemble mais l’annonce de la maladie accélère le cours des choses. Ils emménagent ensemble en Normandie, la région d’origine de Vincent, pour qu’il suive son traitement au CHU de Caen. La chimiothérapie commence et Léa, qui a trouvé un emploi en horaires décalés, accompagne Vincent chaque fois qu’elle le peut. Elle se souvient : « Au début, je pleurais tout le temps en me cachant de Vincent car tout le monde me disait qu’il fallait que je sois solide, que je ne devais pas lui montrer mes émotions. Mais un jour, une infirmière m’a dit que j’avais le droit de pleurer. Ça a été le déclic. Vincent aussi m’a dit qu’il préférait que je pleure avec lui ». « J’ai voulu lui montrer que j’étais aussi là pour elle, confirme-t-il. Par chance, j’ai bien supporté les traitements et, quand je n’étais pas trop fatigué, je tenais à être actif, à faire les courses, à préparer à manger… » Au fil des semaines, le couple prend ses marques et accorde beaucoup d’importance à la communication. Grâce au dialogue, ces deux amoureux au tempérament conciliant surmontent tout, y compris l’annonce d’une rechute en 2018 et la greffe de cellules souches qui suit. Vincent, jeune sportif à la vie saine, est contraint d’arrêter l’activité physique. Il maigrit, perd ses sourcils et ses cheveux, et ce nouveau corps qui semble le trahir n’encourage pas le désir. « Mais la tendresse a toujours été là », précise-t-il. Léa, que le jeune homme décrit comme son « moteur » et son « soutien sans faille », comprend que Vincent a besoin de reprendre le sport et accompagne, dès les premières chimiothérapies, sa reprise du footing.

Avec ma maladie, notre couple a grandi plus vite. Ça nous a soudés.

Vincent Guerrier

En bons journalistes, ils enquêtent sur les bienfaits du sport quand on est atteint d’un cancer et trouvent peu d’informations sur le sujet. Qu’à cela ne tienne ! Ils décident de produire eux-mêmes ces informations. Léa lance l’idée d’un documentaire sur le sujet, Vincent crée un site d’information dédié porté par leur association Malades de sport et ils écrivent même un livre (voir encadré dans Vivre n°388 p. 4). Ce projet les rapproche encore davantage et permet à Vincent de transformer son expérience en quelque chose de positif. « C’était aussi une façon, pour moi, de me rendre utile et de prendre du recul par rapport à la maladie », explique-t-il. Aujourd’hui, Vincent va bien mais Léa a mis plus de temps à se remettre de cette incursion de la maladie dans leur couple. « L’après-cancer a été très dur, analyse-t-elle. C’était comme un énorme contrecoup avec la sensation d’avoir mis ma vie entre parenthèses pendant trois ans. En séance de psychologie, j’ai aussi réalisé que j’avais été très soutenue par ma famille mais pas assez par mes amis. Depuis, j’ai réussi à le leur dire, et ça m’a fait du bien. »

Le cancer nous a volé une partie de notre jeunesse mais nous a aussi beaucoup apporté.

Léa Dall’Aglio

Toujours aussi actif, Vincent fourmille de projets qui – il l’avoue sans mal – émanent beaucoup de Léa. Tous deux rêvent d’une vie simple à deux, loin de la maladie : un nouvel appartement à eux, des projets professionnels excitants… Un tour du Périgord à vélo serait également en préparation…

L’annonce de la rémission de Vincent n’a pas été si facile à vivre pour l’aidante que j’étais.

Léa Dall’Aglio

En savoir plus
Le site créé par Vincent et Léa qui explore les liens entre sport et cancer : cliquez ICI

Vincent nous livre 4 conseils pour mieux vivre la maladie

  • 1

    Monter un Projet professionnel
    « Avec Léa, l’idée de créer l’association Malades de sport est venue pendant la maladie. Elle est née d’une envie de partager notre expérience, d’être utiles. Sa création m’a aussi permis de garder un pied dans la vie active et de mener un projet qui avait une finalité. »

  • 2

    Pratiquer une activité physique
    « Course à pied, vélo, club de gym : j’ai toujours été sportif et j’étais content de reprendre la pratique dans les phases où la maladie me le permettait. Le sport est important, tant pour la santé que sur le plan social. »

  • 3

    M’échapper avec l’écriture
    « Tout au long de la maladie, j’ai tenu un carnet de chroniques sur la vie de la salle d’attente, les rapports avec le médecin, la déshumanisation des traitements… C’était pour moi un moyen de m’occuper, mais aussi de comprendre ce que je vivais et de garder une trace de mon parcours. »

  • 4

    Voir le film Journal Intime
    « Dans ce film, Nanni Moretti parle de son lymphome avec un décalage qui fait du bien. Il relativise énormément sa maladie, qu’il vit un peu comme une parenthèse. J’ai envie de prendre le cancer de cette façon-là. »