Ligués contre le cancer

Jeunes et santé

Décryptage : jeunes et tabac, encore un effort !

Emmanuel Macron a émis le vœu que les jeunes qui auront 20 ans en 2030 constituent « la première génération sans tabac ». Le pari n’est pas si fou, si l’on veut bien s’en donner les moyens. Explications avec Karine Gallopel-Morvan, professeur des universités à l’École des hautes études en santé publique (EHESP), membre du Haut conseil de la santé publique (HCSP) et du conseil scientifique de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT).

Décryptage
Prévention
Tabac

21/09/2021

Karine Gallopel-Morvan est formelle : « C’est réaliste, mais sous conditions. D’abord, il faut réduire drastiquement le taux actuel de 25 % de fumeurs parmi les jeunes. Un pays comme la Nouvelle-Zélande, qui entend être l’un des premiers pays sans tabac en 2025, est à environ 10 % de fumeurs, tous âges confondus (30 % chez les Maoris). D’autres pays comme l’Australie ou la Finlande – qui envisagent un projet similaire – sont également très en avance, avec 12-15 % de fumeurs. En France, nous avons pris du retard, faute d’une politique peu volontariste avant 2014, date du premier Programme national de réduction du tabagisme (PNRT). Depuis, les pouvoirs publics ont mis en place des mesures combinées et efficaces, mais la volonté gouvernementale doit être forte et durable. Et quand on agit, on obtient une baisse du nombre de fumeurs. On l’a vu avec les lois Veil et Évin, la hausse du prix du tabac actuelle, les aides
à l’arrêt, etc.
».

Un net recul sur le long terme

Selon la dernière enquête triennale Escapad de l’OFDT, 25,1 % des jeunes de 17 ans sont des fumeurs réguliers, tandis que près de 60 % d’entre eux ont déjà essayé la cigarette. Ces chiffres sont certes les plus bas depuis le lancement d’Escapad en 2005, mais chaque année, environ 200 000 nouveaux jeunes se mettent à fumer. Et on sait que deux enfants sur trois qui expérimentent le tabac risquent d’en consommer au moins une partie de leur vie. 

La tendance reste cependant orientée à la baisse. L’étude de l’OFDT « Trente ans de politiques publiques de réduction du tabagisme (1991-2021) » montre que l’expérimentation du tabac a reculé de près de 20 points chez les jeunes de 17 ans (59 % contre 78 %). Et les fumeurs quotidiens de 17 ans sont passés de 41 % à 25 %.

Mais quels sont les moyens les plus efficaces pour aller plus loin vis-à-vis des jeunes ? « Il n’y a pas un moyen unique, mais un ensemble de mesures, explique Karine Gallopel- Morvan. Et il faut éviter de dissocier jeunes et adultes : moins on aura d’adultes qui fument, et moins on aura de jeunes qui les suivent. En termes d’impact auprès des jeunes, le plus efficace est incontestablement le prix : une hausse du prix de 10 %, c’est 8 % de baisse chez les jeunes et 4 % chez les adultes !  Il convient aussi de faire respecter  les interdictions, comme celle de la vente de tabac aux mineurs. Et il faut accélérer la « dénormalisation » du tabac, comme cela a été engagé avec l’interdiction de la publicité, le paquet neutre, les lieux sans tabac (à l’université, à l’EHESP, par exemple, ou avec la Ligue contre le cancer qui fait campagne pour les plages et espaces sans tabac). Et bien sûr, il faut être présent sur les réseaux sociaux pour des campagnes de prévention ciblant les jeunes. »

Des cigarettiers  sans aucune éthique

C’est d’autant plus indispensable que les contenus de certains influenceurs ou challenges sur Internet sont orchestrés par l’industrie du tabac : « L’industrie du tabac n’a absolument aucune éthique. Dès qu’une mesure de santé publique efficace pour réduire la consommation de tabac est envisagée, elle cherche à la contourner et/ou à empêcher sa mise en place. Parmi les contournements des lois observés : le déploiement des marques de tabac très connues vers les cigarillos (non soumis au paquet neutre), des feuilles mentholées à glisser dans les paquets de cigarettes pour éviter l’interdiction des cigarettes menthol, le développement de produits pseudo moins risqués (tabac à chauffer), etc. ». Le combat n’est donc pas gagné d’avance ; raison de plus pour l’intensifier !

g

Écran de fumée. La Ligue publie la 3e édition  de son étude, réalisée avec Ipsos, sur la présence du tabac dans  le cinéma français. Elle porte  sur les placements de produits  et la valorisation du tabagisme dans 450 films classés au  box-office. Les résultats sont jugés « alarmants », d’autant que les jeunes sont le principal public des salles obscures. Entre 2015  et aujourd’hui, 91 % des films français « comprennent au moins un événement, un objet ou  un discours en rapport avec le tabac : personnes en train de fumer, personnage qui parle de tabac… ». Le tabac est présent en moyenne 2,6 minutes à l’écran par film (soit 2,5 % du temps d’un film), soit l’équivalent de six spots publicitaires par film en moyenne. Pour en savoir plus, c’est ici.