Ligués contre le cancer

Décryptage

Médicament : de la recherche au générique

La vie d’un médicament n’a rien d’un long fleuve tranquille. En temps normal – la Covid-19 est jusqu’à présent une exception –, il lui faut plusieurs années et de nombreuses étapes pour voir le jour. Mais c’est le prix à payer pour garantir son efficacité et son innocuité.
Article paru dans Vivre N°390 de juin 2021.

Générique
Médicament

11/06/2021

Le long parcours d’un médicament

Depuis la recherche fondamentale en laboratoire jusqu’à la mise sur le marché, un médicament doit accomplir un parcours semé d’obstacles, avec beaucoup d’appelés et peu d’élus. Pour dix médicaments entrant en essais précliniques, un seul verra finalement le jour.

Recherche fondamentale
Menée le plus souvent par des laboratoires publics : cibles thérapeutiques, sélection des molécules…

Essais précliniques
Tests en laboratoire, évaluation des effets et de la toxicité éventuelle sur des modèles animaux, faisabilité technique…

Essais cliniques – phase I
Évaluation de la molécule dans l’organisme, sur des volontaires sains : durée, toxicité…

Essais cliniques – phase II
Évaluation sur quelques patients volontaires : efficacité, recherche de la plus petite dose, effets secondaires…

Essais cliniques – phase III
Évaluation sur un grand nombre de patients volontaires : comparaison avec un placebo ou un traitement de référence, identification des risques potentiels…

Essais industriels
Mode d’administration et conditionnement (comprimé, gélule, sirop…)

Autorisation de mise sur le marché (AMM)
Sur dossier, par l’ANSM (France) et l’EMA (UE) : qualité, efficacité et sécurité, évaluation de la balance bénéfices/risques

Fixation du prix et du remboursement
À partir du dossier d’AMM : • la Haute Autorité de santé (HAS) détermine le service médical rendu (SMR) • l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) fixe le taux de remboursement • le laboratoire négocie le prix avec le Comité économique des produits de santé (CEPS) (voir encadré)

Production industrielle
Encadrée par des règles strictes, des contrôles et des référentiels de bonnes pratiques de fabrication (BPF)

Délivrance des médicaments
Selon les produits, se fait soit en pharmacie, soit en établissement de santé (cas de la plupart des médicaments contre le cancer)

Pharmacovigilance
Signalement et surveillance d’éventuels effets indésirables durant toute la vie du médicament

Générique
À l’expiration du brevet, le médicament tombe dans le domaine public et peut être produit par d’autres laboratoires

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QUELQUES CLÉS POUR COMPRENDRE

Qui sont les participants aux essais cliniques ?
Les participants aux essais cliniques – « sujets sains » ou malades – sont toujours volontaires et reçoivent une information très détaillée. Ces essais sont validés au préalable par un comité de protection des personnes (CPP) et autorisés par l’ANSM, qui les encadre très strictement. En France, les volontaires ne sont pas rémunérés, mais peuvent être indemnisés pour les contraintes subies (rendez-vous médicaux, surveillance, examens…).

L’AMM
L’autorisation de mise sur le marché (AMM) est délivrée par l’ANSM pour une durée de cinq ans renouvelable. Elle est accordée après analyse de la balance bénéfices/risques et pour une indication précise. Elle s’accompagne du résumé des caractéristiques du produit (RCP), de la notice pour le patient et des indications d’étiquetage.

Autorisation temporaire d’utilisation (ATU) et protocole compassionnel
Demandée par le laboratoire (ATU de cohorte) ou le médecin prescripteur (ATU individuelle), l’autorisation temporaire d’utilisation est délivrée par l’ANSM, pour un an au plus. Elle permet d’utiliser, à titre exceptionnel, un médicament qui n’a pas encore d’AMM mais peut se révéler utile à un malade ou un groupe de malades. Le protocole compassionnel consiste, en cas d’impasse thérapeutique, à utiliser, au profit d’un malade en phase terminale, un médicament n’ayant pas reçu d’AMM ou d’ATU.

Qui fixe le prix d’un médicament ?
Plusieurs étapes. D’abord, la Haute Autorité de santé (HAS) évalue le service médical rendu (SMR) du médicament et son amélioration (ASMR). Ensuite, le Comité économique des produits de santé (CEPS) négocie avec le laboratoire et fixe le prix. Enfin, l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) arrête le taux de remboursement, en se basant sur le SMR et la gravité de la maladie concernée.

L’Europe et le médicament
Les laboratoires peuvent obtenir une AMM européenne. La demande est alors instruite par l’Agence européenne des médicaments (EMA), qui s’appuie sur le réseau des agences des États membres et sur les autorités nationales de réglementation. L’autorisation est ensuite délivrée par la Commission européenne. Elle est alors valable dans les 27 États membres de l’UE et dans les 30 États de l’Espace économique européen (UE, Islande, Norvège et Liechtenstein).

Des stocks de sécurité
Pour lutter contre les ruptures d’approvisionnement, un décret de mars 2021 impose aux laboratoires un stock minimum de deux mois pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), dont la plupart des traitements contre le cancer, et d’une semaine pour les autres.

La pharmacovigilance
Elle intervient tout au long de la vie du médicament. Grâce aux signalements effectués par les professionnels de santé ou les laboratoires, mais aussi par les patients et les associations de malades, elle permet de repérer d’éventuels effets indésirables. La pharmacovigilance est assurée par l’ANSM et son réseau de 31 centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV). Elle s’exerce également au niveau européen.

L’accès aux médicaments innovants
Avec l’apparition de nouvelles thérapies (médicaments biologiques, thérapies géniques, médicaments à ARN…) se pose la question de leur accès. Forts de leur apport thérapeutique, ces médicaments affichent souvent des prix exorbitants, hors de toute rationalité économique. Ils privent ainsi les malades d’un traitement efficace, notamment en cancérologie, ou obligent à des choix impossibles sur le plan éthique. Depuis plusieurs années, la Ligue contre le cancer se bat pour imposer une régulation.