Ligués contre le cancer

Traitement

CAR-T : un traitement innovant contre le myélome multiple

Actuellement testé en essai thérapeutique sur des cohortes de patients au CHU de Poitiers, le traitement CAR-T (Chimeric Antigen Receptor des lymphocytes T) pourrait permettre d’augmenter l’espérance de vie des malades souffrant d’un myélome, une hémopathie qui touche le plasmocyte, une cellule du système immunitaire.
Article paru dans Vivre N°385 de mars 2020.

Car-T
Myélome
Traitement

01/06/2021

Le myélome est un cancer hématologique qui s’attaque à des cellules présentes dans la moelle osseuse : les plasmocytes. « Ces cellules du système immunitaire ont un rôle capital : elles produisent des anticorps, des protéines sécrétées pour combattre les infections graves et les maladies », explique Xavier Leleu, chef du service d’oncologie hématologique et thérapie cellulaire du CHU de Poitiers. Lorsque les plasmocytes deviennent cancéreux, le système immunitaire s’affaiblit jusqu’au décès du patient.
Moins fréquent que les cancers du sein et de la prostate ou le lymphome, le myélome touche 7 000 nouveaux patients par an en France, généralement vers l’âge de 65- 70 ans. Si le myélome ne se guérit pas, l’espérance de vie s’est améliorée avec les nouveaux traitements (entre sept et dix ans aujourd’hui, contre trois à cinq ans en 1998). « Les causes réelles de la maladie ne sont pas tellement connues. Mais on a pu identifier quelques facteurs favorisants, comme l’usage des pesticides, des formes familiales et un état précancéreux », indique-t-il.

L’espoir des traitements CAR-T

Une nouvelle génération d’immunothérapies cellulaires contre ce type de cancer arrive en essai thérapeutique : les traitements CAR-T (Chimeric Antigen Receptor-T cells). Le principe est simple : « Certaines cellules immunitaires du patient (les lymphocytes T) sont prélevées et génétiquement modifiées pour leur permettre ensuite de reconnaître et d’attaquer les cellules cancéreuses beaucoup plus efficacement. Autrement dit, on se sert du système immunitaire du patient pour créer un médicament sur mesure contre son cancer », explique Xavier Leleu. Pour certaines formes de cancer du sang réfractaires aux thérapies conventionnelles telles que les chimiothérapies ou les immunothérapies classiques, ce traitement innovant fait office de révolution.
Le CHU de Poitiers compte parmi les trois centres, avec Lille et Nantes, à avoir participé à des essais thérapeutiques avec des CAR-T dans les myélomes. À ce jour, une vingtaine de patients ont pu être traités en France. Leur taux de survie à douze mois est de 40 à 60 %. Des données encourageantes dans la mesure où la population concernée n’a plus d’autre option thérapeutique.

Comment ça marche ?
Concrètement, les traitements CAR-T consistent à prélever le sang du patient pour en extraire les lymphocytes T, en charge de l’immunité antitumorale et déficients dans le myélome. En laboratoire, les lymphocytes T sont ensuite génétiquement modifiés pour exprimer le CAR (un anticorps qui reconnaît une molécule sur les cellules tumorales, réalisant ainsi une chimère) pour leur permettre de reconnaître les cellules cancéreuses. Puis les lymphocytes T modifiés du patient sont mis en conditions de prolifération. Enfin, le patient se voit réinjecter ses lymphocytes T modifiés. Les cellules CAR-T reconnaissent les cellules tumorales et sont capables de les détruire avec une puissance jamais égalée à ce jour. Ce process dure entre deux et trois mois au total.

Qui peut bénéficier des traitements innovants ?

Pour le moment, les traitements CAR-T sont réservés exclusivement aux patients dont la maladie est réfractaire aux traitements habituels, ou en rechute précoce après une première ligne thérapeutique incluant des traitements intensifs. « L’essai clinique de phase 2 qui se déroule actuellement au CHU de Poitiers prend en charge une cohorte de patients en impasse thérapeutique, dont la maladie est très avancée, et, pour la première fois en France, une cohorte de patients dont la maladie est très précoce mais tout de même de mauvais pronostic. De cette façon, nous saurons si le fait de traiter les patients plus tôt a des effets bénéfiques sur l’espérance de vie », indique Xavier Leleu.

Un traitement onéreux

Le traitement CAR-T fait l’objet d’un prix « exorbitant » : jusqu’à 350 000 euros par patient ! Depuis plusieurs années, la Ligue contre le cancer est mobilisée sur le sujet de la financiarisation de l’industrie pharmaceutique et alerte régulièrement les pouvoirs publics sur le fait qu’il sera de plus en plus difficile, pour notre système de santé, de permettre un accès aux meilleures thérapeutiques, sans discrimination, pour toutes les personnes malades. « Je suis personnellement choqué par la situation, témoigne Jean-Paul Vernant, administrateur national de la Ligue contre le cancer. Le prix de tous ces traitements innovants, et en particulier des CAR-T cells, ne reflète en aucun cas les coûts de production, ni les investissements en recherche et développement, largement financés par la puissance publique aux États-Unis et en Europe. On assiste depuis une vingtaine d’années à une financiarisation de l’industrie pharmaceutique : ses principaux actionnaires sont les fonds de pension et les fonds communs de placement, dont malheureusement l’objectif principal n’est pas la santé des populations, mais une rentabilité importante et rapide. »