Ligués contre le cancer

Les liens qui se sont tissés

Cancer génétique, quand la maladie se transmet

Isabelle Chabrier a 52 ans lorsqu’elle apprend qu’elle est atteinte d’un cancer du pancréas inopérable. Un choc, pour elle, même si elle se sait porteuse de la mutation du gène BRCA2, responsable de certains cancers. Entourée de son conjoint, elle raconte son parcours.

Cancer du pancréas
Cancer inopérable
Gène BRCA2
Transmission génétique

18/12/2023

Le cancer, c’est une histoire de famille, chez Isabelle. Cancer du sein pour sa grand-mère paternelle, cancer digestif pour son père et cancer du sein pour sa sœur, juste avant son 40e anniversaire. « La survenue de ce cancer à un âge encore jeune a poussé les médecins à effectuer une recherche oncogénétique », explique Isabelle. Au bout de douze mois, le résultat met en lumière la mutation du gène BRCA2, responsable notamment des cancers du sein et de l’ovaire.
Conformément à la loi, Isabelle est informée du risque d’hérédité possible et décide de faire à son tour un test oncogénétique. Une prise de sang confirme qu’elle est également porteuse du gène incriminé. « Les médecins m’ont bien expliqué les risques que j’encourais pour ma santé, souligne-t-elle. Ils m’ont conseillé une double mastectomie préventive avec possibilité de reconstruction immédiate, ainsi qu’une ovariectomie. En concertation avec mon conjoint, j’ai accepté car les risques de cancer me semblaient trop élevés. »

Coup de massue


Trois ans plus tard, alors qu’elle vient de démissionner de son entreprise pour créer la sienne, Isabelle ressent de fortes douleurs au dos et au ventre. Un généraliste de quartier évoque une gastrite, une inflammation de la muqueuse qui tapisse l’estomac, et lui prescrit de quoi réduire la sécrétion acide. En vacances, les douleurs s’intensifient, au point pour Isabelle de ne plus parvenir à manger. Elle a alors perdu 4 kg. À la rentrée démarrent des examens dans le service de gastro- entérologie de l’hôpital Saint-Antoine, à Paris. Prises de sang, scanner, IRM, biopsie. Le verdict tombe : cancer du pancréas inopérable. Une conséquence rare du BRCA2 à laquelle elle ne s’attendait pas.
« Mon conjoint était avec moi le jour de l’annonce du diagnostic. Nous l’avons vécu comme un coup de massue, une véritable injustice, moi qui avais une très bonne hygiène de vie et avais accepté ces lourdes interventions à but préventif », se souvient Isabelle. Un protocole de sept séances de chimio-thérapie se met alors en route : « Tout est allé si vite, nous n’avons pas réfléchi. Cela nous a mis immédiate-ment dans l’action. C’était concret, donc rassurant », se souvient René, son conjoint.

Avec la prévention et mon hygiène de vie saine, je n’imaginais pas tomber malade !

Isabelle Chabrier

Miracle


Au fur et à mesure des séances, les premiers effets secondaires se font ressentir. D’abord des diarrhées, une perte partielle des cheveux, puis des neuropathies invalidantes, se traduisant par un manque de préhension dans les mains. Au bout de la troisième chimio-thérapie, les douleurs s’estompent, l’appétit revient et, après la septième séance, le scanner montre que le traite-ment offre une réponse exceptionnelle avec un rétrécissement important de la tumeur. « On m’a alors proposé de passer à trente séances de radiothérapie conjuguées à une chimiothérapie par voie orale », raconte-t-elle. Là, le miracle se produit : l’option chirurgicale, qui était initialement proscrite, est désormais possible.

La probabilité qu’Isabelle tombe malade était faible, j’étais surpris !

René Chabrier

Délivrance


La duodénopancréatectomie céphalique, connue sous le nom de DPC, est une procédure chirurgicale complexe qui consiste à retirer la tête du pancréas, ainsi qu’une partie du duodénum, la première partie de l’intestin grêle, et parfois de la vésicule biliaire. Les suites opératoires sont difficiles pour Isabelle qui ne ressent plus la faim et n’arrive plus à se lever de son lit. « J’ai dû être hospitalisée de nouveau pendant quinze jours pour dénutrition et déshydratation sévère », se souvient-elle. Nourrie par une sonde nasogastrique, elle reprend des forces. Un mois plus tard s’ensuit un nouveau cycle de chimiothérapie adjuvante. Puis c’est la rémission. L’occasion pour Isabelle de relancer son entreprise qui était en stand-by pendant tout ce temps. « J’ai une chance inouïe d’être encore là ! C’est en partie grâce à l’amour de mon conjoint, toujours à mes côtés, mais aussi des soignants qui m’ont extrêmement bien accompagnée », avoue-t-elle. En rémission depuis trois ans, Isabelle vit encore au rythme des contrôles trimestriels et conserve la chambre implantable dans l’éventualité d’une récidive. Elle attend avec impatience la barre des cinq ans pour s’estimer complètement sortie d’affaire.

Les effets de la chimiothérapie ont rendu mon cancer opérable.

Isabelle Chabrier

Mutation BRCA2, quels cancers sont concernés ?
Une personne porteuse d’une mutation du gène BRCA2 a un risque plus élevé de développer un jour un cancer du sein ou de l’ovaire. Il existe également un risque plus faible de cancer du pancréas, de mélanome et de cancer de la prostate. La présence de cette mutation génétique ne signifie pas que cette personne développera inévitablement un cancer. Cela signifie simplement qu’elle a une probabilité accrue. Les décisions concernant les tests génétiques et les éventuelles mesures préventives doivent être prises avec l’aide d’un professionnel de santé spécialisé en génétique.

_ Ça m’a aidée _

Isabelle nous raconte les petites choses du quotidien qui l’ont aidée à mieux tenir durant sa maladie.

Pendant la maladie, il m’a terriblement manqué de discuter avec d’autres patients atteints de la même pathologie.

Isabelle Chabrier

Écrire

J’ai toujours écrit, encore plus pendant les traitements. De ce journal intime, écrit au quotidien, j’ai eu l’envie de faire un livre(1), aujourd’hui publié, pour apporter aux autres personnes malades ce qui m’avait le plus manqué : un témoignage concret sur le cancer du pancréas et, surtout, une note d’espoir.

(1) L’indigestion, journal intime de mon cancer du pancréas, Éd. L’Harmattan, 2023.

Faire du sport

J’ai pratiqué yoga et marche à pied chaque jour pendant ma maladie. Cela m’a beaucoup aidée physiquement et mentalement car j’avais le sentiment de me prendre en main pour aller mieux.

Être entourée

J’ai la chance d’avoir un conjoint et des amis aimants et attentifs qui ont su être centrés sur mes besoins pendant la maladie. Cela a beaucoup compté dans ma rémission.

Câliner

Mon conjoint, qui sait à quel point les chats comptent pour moi, a eu ce geste d’amour d’accepter que nous en adoptions un pendant ma maladie afin de m’aider à m’en sortir. Cela m’a fait énormément de bien.