Ligués contre le cancer

Aidants

Cancer et aidants, quand la maladie bouleverse les dynamiques familiales

Si l’annonce et l’expérience du cancer bousculent la vie des patients, elles impactent également celles de ceux qui les entourent : les aidants familiaux. Le point avec Sandrine Gelée, psychologue clinicienne et responsable de l’unité de psycho-oncologie de l’Institut Godinot à Reims.

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Famille
Interview
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Soutien

25/09/2023

Décryptage

Quelle place l’institution hospitalière accorde-t-elle à la famille du malade ?

Sandrine Gelée : En France, les hôpitaux reconnaissent l’importance de la famille pour le bien-être du patient et la gestion de la maladie. La plupart des établissements offrent un soutien psychologique et des ressources pour aider les familles à faire face à l’impact émotionnel du cancer. Au sein de l’unité de psycho-oncologie, pour recevoir les enfants mineurs, l’accord du patient et ou de son conjoint est indispensable. Une rencontre avec le patient est toujours organisée en amont de la consultation avec les enfants afin de nous informer de ce qui leur a été annoncé concernant le diagnostic et le pronostic.

Une attention particulière est portée sur ce qu’ils ont compris et retenu des explications et également sur ce qu’ils souhaitent savoir. Il est aussi important d’être informé de ce que les parents nous autorisent à dire à leurs enfants et ce, d’autant plus s’il s’agit d’un mauvais pronostic. La transparence des informations est primordiale.

Quel rôle les proches aidants auront-ils dans les interactions entre soignants et soigné ?

S. G. : Un rôle essentiel ! Les proches sont souvent les premiers soutiens émotionnels du patient, offrant du réconfort, une écoute attentive et une présence qu’ils souhaitent rassurante dans les moments difficiles. Ils facilitent la communication avec les soignants en posant des questions pertinentes lors des consultations. Ils accompagnent le patient aux rendez-vous médicaux, l’aident avec ses médicaments et fournissent une assistance quotidienne si nécessaire. Ils jouent aussi un rôle dans la surveillance des effets secondaires des traitements, signalant tout ce qui peut être préoccupant à l’équipe médicale. En cas de pronostic défavorable, ils aident à planifier les soins sur le long terme, y compris les soins palliatifs et à respecter les préférences du patient en fin de vie, notamment ses directives anticipées si elles existent.

Quelles conséquences la maladie peut-elle avoir sur le rôle attribué à chacun ?

S. G. : Les conséquences varient selon la dynamique familiale préexistante, le type de cancer, le stade de la maladie et les ressources disponibles. Souvent, les rôles évoluent en fonction des besoins du patient. Un conjoint peut devenir l’aidant principal et assumer de nouvelles responsabilités. Il s’agit alors d’être vigilant à l’égard des enfants ou des adolescents, car l’inversion des rôles peut être prédominante et influencer leur développement émotionnel et social. Il incombe aux adultes de protéger les enfants et non l’inverse. Nous sommes là pour les accompagner et trouver des solutions avec l’aide d’autres professionnels (assistantes sociales…).

« À l’hôpital, la transparence dans la communication
entre le patient et les proches est primordiale. »

Comment la maladie affecte-t-elle un couple ou une fratrie ?

S. G. : Au sein d’un couple, la maladie peut causer un stress important dans la relation, modifiant les rôles traditionnels et pouvant créer des tensions. L’anxiété, les effets secondaires des traitements, la fatigue et les changements physiques peuvent également impacter la santé sexuelle. À l’Institut Godinot, les consultations d’oncosexologie proposées par ma collègue médecin (le docteur Maryline Henuset-Canot) et moi-même sont régulièrement nécessaires. Au sein d’une fratrie, l’attention portée à l’enfant malade peut engendrer un sentiment de solitude et de l’incompréhension. Les rôles et les dynamiques familiales peuvent évoluer, avec une implication accrue des membres de la fratrie dans le soutien au patient et les tâches quotidiennes.

« Le cancer a un effet d’une bombe pour le patient
comme pour les proches, qui ne s’attendent pas à devenir aidants. »

Comment les proches vivent-ils l’expérience d’aidant ?

S. G. : L’annonce de la maladie a un effet d’une bombe au sein de la famille. Les proches sont rarement préparés et endosser le rôle d’aidant peut se révéler complexe. Conjuguer ce nouveau rôle avec les responsabilités personnelles, sociales et professionnelles peut être extrêmement difficile. C’est pourquoi nous soutenons les aidants lors de consultations qui leur sont dédiées, pour qu’ils veillent aussi à leur propre bien-être et qu’ils soient en mesure d’apporter un soutien efficace au patient.

En quoi un cancer peut-il avoir une incidence sur le parcours de vie des aidants ?

S. G. : Souvent, le cancer amène les aidants à réévaluer leurs priorités de vie. D’une manière générale, le cancer peut profondément influencer le parcours de vie d’une personne, entraînant des changements dans les perspectives, les priorités, les relations et les choix professionnels.

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La Ligue propose une écoute psychologique via son numéro vert 0 800 940 939

(du lundi au vendredi, de 9h à 19h).