Ligués contre le cancer

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Alcool et cancer : un lien avéré

En France, où l’alcool fait partie du patrimoine national, difficile de ne pas être consommateur. Pourtant, les risques pour la santé sont bien réels. Le point avec le professeur Amine Benyamina, psychiatre addictologue, chef du département de psychiatrie et d’addictologie à l’hôpital Paul Brousse, à Paris.

Alcool
Consommation
Facteurs de risque
Interview
Politique de lutte

18/03/2024

Pr Amine Benyamina : Ce lien est établi et documenté sur le plan épidémiologique. On sait désormais que l’alcool, en modifiant la concentration en oestrogènes dans le sang, est, chez les femmes, un facteur puissant de développement du cancer du sein. On sait également que la cirrhose provoquée par la consommation d’alcool constitue un terrain favorable au cancer du foie. Et comme le tabac, l’alcool est un facteur évitable qui peut être à l’origine de cancers aérodigestifs, du cancer du côlon,de l’estomac… C’est le professeur Axel Kahn (président du Comité éthique et cancer de la Ligue de 2005 à 2019, puis président de la Ligue contre le cancer de 2019 à 2021) qui, le premier, s’est intéressé à nous, addictologues, et à la littérature scientifique sur le lien entre cancer et alcool. La position de l’Institut national du cancer joue également en faveur des patients, en montrant l’importance de mener une politique décennale de lutte contre le tabac et l’alcool.

Pr A. B. : Il existe un repère édité par l’Inserm et repris par Santé publique France qui invite à ne pas consommer plus de deux verres par jour, et pas tous les jours. Quand on parle de « verres », il s’agit de doses « bistrot »(1) qui sont bien plus petites que les quantités que l’on sert chez soi. Tous les alcools se valent car ce qui compte, c’est bien la concentration en éthanol, et non pas le type d’alcool consommé. En la matière, un verre de vin équivaut à un verre de champagne, à un demi de bière, à une dose de pastis, à une dose de whisky… Mais si ces repères existent, toute prise d’alcool déclenche un risque. Ce dernier est d’ailleurs cumulatif : le risque de développer un cancer est plus important si, en plus de l’alcool, on s’expose au tabac, à la pollution, à la malbouffe ou encore au manque de sommeil.

Il existe un repère édité par l’Inserm et repris par Santé publique France qui invite à ne pas consommer plus de deux verres par jour, et pas tous les jours.


Pr A. B. : Sans être si radical, essayer de se fixer un cadre en respectant les repères de consommation est un bon début. Il peut être aussi intéressant de faire des pauses, comme le « Défi de janvier »(2) invite à le faire. Cela aide à prendre du recul sur sa propre consommation et à ressentir les bénéfices directs de l’arrêt de l’alcool – à savoir un sommeil de meilleure qualité, une perte de poids, une meilleure tension artérielle, une meilleure peau, une meilleure forme physique… – et fait économiser de l’argent car l’alcool coûte cher. En arrêtant de boire pendant un mois, on arrive également à mieux maîtriser sa consommation dans les mois qui suivent. Et ce « Défi de janvier » peut servir d’excuse pour justifier le fait de ne pas boire en société, un comportement qui peut être mal perçu en temps normal.


Pr A. B. : En France, le fait de boire – et de le faire précocement – s’est imposé par l’histoire, la culture et les lobbies, mais il est important de rappeler que ceux qui ne boivent pas ne sont pas anormaux. La norme est plutôt de ne pas boire. Le déni partagé, la place du vin en France, la volonté de ne pas empiéter sur la vie des Français et, encore une fois, les lobbies de l’alcool très puissants entraînent une vraie passivité des pouvoirs publics, voire un refus de mettre en place une politique audacieuse comme cela a été fait pour le tabac

(1) Un verre standard (dose bistrot) = 1 unité d’alcool = 10 grammes d’alcool pur. >>
(2) Ou « Dry January » : un défi consistant à arrêter de consommer de l’alcool pendant tout le mois de janvier.

Comment vous faire aider ?
Vous avez besoin d’aide pour limiter ou arrêter votre consommation d’alcool ? Vous pouvez commencer par en parler à votre médecin traitant. Le site www.addictaide.fr propose également un forum de discussion dont la modération est assurée par des patients experts. Vous pouvez aussi bénéficier d’une écoute et d’un soutien sur le site internet www.alcool-info-service.fr. Ce service est joignable 7j/7, de 8h à 2h, via un numéro de téléphone non surtaxé et accessible anonymement : 0980 980 930. Vous pouvez aussi assister à des réunions des Alcooliques anonymes (AA). La liste des réunions organisées près de chez vous, en salle ou en ligne, est accessible depuis leur site Internet. Pour plus de renseignements : 09 69 39 40 20 (24h/24, coût d’un appel local).